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je ne connais pas encore ce françois jullien, mais il donne envie !
a suivre donc
Par Florence B, le 25.05.2013
Date de création : 16.03.2013
Dernière mise à jour :
30.06.2013
12 articles
Après un moment de silence, je reviens avec quelques pensées un peu longues, encore confuses et qui s'éclairciront peut-être au fur et à mesure de l'écriture de ce billet. Merci à vous si vous contribuez à les préciser, les challenger, les clarifier. J'ai envie depuis quelque temps d'écrire sur la performance et l'innovation dans les structures publiques.
Il est de bon ton en ce moment de décrier les services publics, leur attribuant un déficit criant de performance par rapport au secteur privé.
La situation est sans doute plus nuancée et les études de chercheurs en organisation tendent à montrer que la taille de la structure est plus différenciante que l'appartenance au secteur public ou au secteur privé. Les phénomènes de "bureaucratie" ou de "technocratie" s'obsevent dans les grandes structures, qu'elles soient entreprise privée ou administration.
Il est vrai que les structures publiques sont en général de taille importante, taille qui génère un fonctionnement bureaucratique, "administratif" tel que décrit dans ses grandes lignes par Max Weber. C'est la règle qui est première, une certaine dépersonnalisation de la relation à l'usager/client et une relative "interchangeabilité" des agents. C'est en effet un peu à l'opposé du credo ambiant du "client roi" et du fournisseur de biens ou de services qui adapte son offre et sa relation pour proposer un sur-mesure à l'acheteur-consommateur (sur-mesure plus ou moins imaginaire).
Lorsque le service public est délivré dans des structures légères et de petite taille, on y trouve autant de réactivité, de créativité et d'adaptation aux besoins que dans les structures privées. Elles sont même plus performantes, à l'instar des équipes Pôle emploi spécialisées dans l'accompagnement renforcé des demandeurs d'emploi que des évaluations objectives ont validé comme plus performantes et efficaces dans le retour à l'emploi des demandeurs d'emploi que les cabinets privés concurrents.
Mais de fait, le citoyen est plutôt en lien avec de "grosses machines", de grandes structures publiques. L'expérience qu'il a en général du service public, de l'administration, est ainsi une relation plutôt faite de "paperasserie" où il faut dire ou écrire plusieurs fois les informations que l'on a déjà communiquées, sans trop savoir ce qui en sera fait.
Des changements importants ont eu lieu ici ou là dans les administrations et les services publics. Mais une différence structurelle semble expliquer en partie pour quoi l'innovation et l'amélioration des performances sont moins évidentes ou récurrentes dans la sphère publique.
L'on peut en effet observer un fonctionnement inverse entre une entreprise privée et un service public : dit à gros traits, l'entreprise privée innove et cherche à améliorer ses performances pour éviter des difficultés, les services publics le font en réaction à un problème devenu suffisamment important ou récurrent pour en perturber le fonctionnement ou altérer sensiblement leur image.
Ainsi, l'entreprise privée va chercher à innover dans ses services ou ses produits, ses processus ou son organisation pour conserver ou gagner une position dans son secteur. Elle innove avant de lancer des produits ou des services pour gagner des clients ou pour réduire le coût marginal de production ou de vente de ses services. Dans le monde du business, d'une certaine manière "ne pas avancer, c'est reculer".
Dans les services publics a contrario, il n'y a pas de risque de perdre des positions ou de disparaître. Il y a en général peu ou pas de concurrence, ce qui rend complexe la possibilité de se comparer. J'ai pu le constater à l'occasion de questionnements dans certains services publics, par exemple sur l'amplitude d'ouverture des services, ou encore sur la stratégie digitale. Il est toujours intéressant d'aller regarder ce qui se fait ailleurs, mais quel est réellement le benchmark possible entre une CAF, une CPAM, une Préfecture ou un Pôle emploi ? Il est parfois plus évident d'identifier des axes de travail et des questionnements stratégiques en comparant les services publics de l'emploi entre pays qu'en comparant Pôle emploi avec une autre institution publique. De même, sur certains aspects, les entreprises d'interim ou les cabinets spécialisés en RH sont plus proches des conditions d'exercice et des problématiques rencontrées par un pôle emploi, qu'une CPAM.
Une hypothèse est qu'il y a souvent moins "d'incentive" dans un service public pour innover ou améliorer l'efficience de manière anticipée. Le fait générateur est souvent un gros problème qui occasionne une charge de travail difficile à gérer et à maîtriser, ou qui dégrade significativement la relation avec les usagers. Il s'agit alors d'analyser les causes du dysfonctionnement et d'optimiser ou d'innover.
La tension introduite par la recherche d'économies a installé dans les institutions publiques des prémisses de démarche récurrente d'innovation des services ou des processus et organisations. Les contrats d'objectifs ou dialogues de performance entre tutelles et institutions publiques, de même entre le niveau central et les directions régionales, mettent en avant la satisfaction des usagers. Ces objectifs d'amélioration de la satisfaction des usagers/clients peuvent faciliter une remise à plat des services ou des process. Cependant, l'absence de risque concernant la pérennité de l'institution ou sa "réputabilité", limite sensiblement l'alignement global de la stratégie et de toutes les parties prenantes pour faire évoluer les services ou "faire mieux avec autant" (principe de l'efficience).
Au risque d'être caricaturale, il est probable que l'amélioration de l'efficience ou l'innovation dans plusieurs institutions publiques soient peu installées dans la stratégie et le fonctionnement quotidien, car il n'y en a pas véritablement besoin. Les usagers sont "captifs" ou s'auto-lèsent dans leur accès au droit (exemple pour le RSA) ; ils n'ont pas de solution alternative. La perte d'usagers-clients ou leur mécontentement relatif sont encore relativement neutres pour ces structures publiques et les moyens dont elles sont dotées. Dans ces conditions, il est "rationnel" pour les acteurs d'être en réaction en cas de problème plutôt que pro-actif pour les éviter. Surtout pour les innovations de process qui pourraient améliorer l'efficience : le gain d'agents obtenu n'est pas forcément déployable sur une autre ou une nouvelle activité.
A contrario, la diminution drastique (voire brutale) des effectifs alloués à une institution a rarement provoqué un effet vertueux : une institution non préparée à l'innovation et à la recherche d'efficience n'aura pas la révélation après une coupe budgétaire. Le risque est plutôt que les process restent ceux d'avant ... et que l'on fasse moins ou moins bien au détriment du citoyen.
Bref, le sujet est hautement complexe, culturel, stratégique et managérial !